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Témoignages

« Quatre ans après mon séjour thérapeutique, mes TOCS restent sous contrôle. Je me regarde dans les couloirs de l’Université ou assis au volant de ma voiture et je me demande où je serais aujourd’hui sans l’aide de ce programme. »

Vittorio T.

Je m’appelle Vittorio et j’ai 23 ans. Je suis en troisieme année à la faculté de mathématiques de la Webster University a St. Louis, Missouri, USA. Je présente un trouble du spectre autistique avec en comorbidité un TOC sévère lié à la pensée magique.

Pour des raisons professionnelles, ma famille (mes parents et ma sœur cadette) a déménagé à plusieurs reprises, ce qui m’a beaucoup déstabilisé. Je suis né aux États-Unis et jusqu’à mes 10 ans nous avons vécu d’abord aux Bahamas et ensuite en Suisse, au canton du Tessin, avant de nous installer à Genève. J’ai toujours été un enfant inquiet et agité, ayant d’importants troubles du sommeil et alimentaires. Vers l’âge de 3-4 ans, ma maman aurait constaté la présence de certains signes cliniques, notamment une utilisation particulière des objets (alignement, esthétisme) : moi, j’étais très fier de mes installations artistiques à la maison, avec mes petites voitures toutes garées l’une à côté de l’autre selon leur couleur ou mes quilles bien placées tout au long des escaliers ! C’est à ce moment–là que j’ai manifesté également des tics au niveau du visage. En réalité, il ne s’agissait pas de tics, mais de TOCS. J’étais obligé de faire tout le temps des grimaces. C’était l’une de mes façons de ritualiser pour neutraliser mes obsessions et calmer mes angoisses. Mon suivi psychologique a commencé tôt dans ma vie, tout d’abord en raison de mon trouble alimentaire. Mais ce n’est qu’en arrivant à Genève que j’ai reçu mon diagnostic de Syndrome d’Asperger et que mes TOCS ont été pris en charge. Depuis, j’ai été suivi à plusieurs endroits : la pédopsychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), un centre privé pour le traitement des troubles psychiques chez l’enfant et l’adolescent, des psychologues et psychiatres en cabinet privé. Malgré tout cela, mes TOCS ne se sont pas améliorés.

J’ai toujours pu bénéficier d’une scolarité normale, dans des écoles publiques, avec de bons résultats. Mais arrivé en troisième année du Collège, je me suis rendu compte que je n’avais plus les moyens pour aller de l’avant et que je n’aurais jamais pu réussir ma maturité : mes TOCS étaient devenus tellement envahissants que je n’arrivais plus à réviser, mes rituels occupant toute ma journée. Si je lisais une phrase, je devais la relire à l’inverse. Si j’écrivais un texte, je devais effacer, réécrire, refaire une deuxième fois tous les signes de ponctuation. Après avoir lu une page ou avoir écrit un paragraphe, j’étais épuisé. Et ceux-ci n’étaient que deux parmi les dizaines de rituels que j’étais obligé d’accomplir sans arrêt du matin au soir. Le médicament que je prenais – et que je prends toujours – ne suffisait pas à me soulager.

C’est à ce moment que mes parents, épuisés à leur tour et désespérés face à des soins si peu efficaces, ont décidé de m’amener aux États-Unis pour y suivre une thérapie intensive en régime d’hôpital de jour dans un centre spécialisé, le Rogers Behavioral Health de Tampa (Floride). Je me revois encore, en ce jour de juin 2018, assis dans une voiture traversant la Floride de Miami en direction de Tampa. Je suis inquiet. Mon TOC est un monstre qui envahit chaque minute de ma vie et le parcours thérapeutique qui m’attend, et dont on m’a expliqué le fonctionnement, sera dur et me fait peur. La voiture roule, monotone, des heures et des heures à travers des marécages infinis. Et puis, Tampa surgit de l’eau à l’horizon. Une ville de terres et d’îlots émergés s’étendant sur une immense baie qui regarde le Golfe du Mexique. J’y suis presque. Après des années de recherches, de réflexions, de contacts, d’incertitudes face à l’idée d’entreprendre cette voie thérapeutique au-delà de l’océan, me voilà enfin ici, sur cette longue autoroute flottant sur la mer. C’est réel. Je suis en train de le faire.

À mon arrivée à la clinique, je passe un bilan d’admission (basé sur l’échelle CY-BOCS, standard mondial pour l’évaluation des TOCS chez l’enfant) dont le résultat tombe un peu plus tard : TOC extrême. Mes parents n’arrivent pas à croire que ma vie est telle que je la décris lors de ce test : et pourtant ils vivent avec moi depuis bientôt 18 ans, ils me voient tous les jours ! La thérapie démarre et j’avoue ne jamais avoir expérimenté une chose pareille de ma vie. Dès le premier jour, j’ai la sensation qu’ici le TOC n’a aucune chance de s’échapper. À la clinique, toute la journée je dois suivre une routine précise avec des exercices ciblés. Cela s’appelle « exposition et prévention de la réponse » : je suis exposé à mes angoisses, mais je n’ai pas le droit de ritualiser pour les calmer. Les spécialistes ont beau m’expliquer que l’anxiété peut monter jusqu’à un niveau très élevé, mais qu’ensuite elle descendra toute seule, ce mécanisme étant physiologique… L’expérience est rude et difficile à gérer ! Il me faut tout mon courage et une forte détermination pour accepter de partir sur cette voie, mais le programme, très structuré et se déroulant étape par étape en partant des TOCS les plus « faciles », avec un accompagnement individualisé et constant, me permet jour après jour de m’approprier ma boîte à outils pour faire face à mon trouble. Le soir, je rentre dans notre appartement avec mes devoirs à faire pour le lendemain. Il y a, là aussi, des moments d’angoisse, de peur, de tension, même de refus, mais ma famille est avec moi, mes proches sont mes cheerleaders ! Après ma première semaine au centre, je commence déjà à deviner à quoi une vie sans TOCS pourrait ressembler. C’est une sensation incroyable pour moi. Je garde espoir et je me motive.

Presque deux mois s’écoulent. Et un jour, les thérapeutes m’annoncent que mes progrès ont été extraordinaires et que le moment est venu, pour moi, de quitter la clinique. Tout le monde est là pour me féliciter, il y a des boissons, des donuts, on mange, on rigole, on s’embrasse en versant même quelques larmes. Cela m’attriste de quitter Tampa, mais c’est l’heure de rentrer et de reprendre ma vie en main. Mon TOC, le monstre qui dévorait mon existence, est devenu tout faible et se cache dans un coin de mon esprit. Je sais bien qu’il est toujours là, qu’il peut reprendre ses forces à n’importe quel instant et que la route pour le neutraliser est encore longue, mais maintenant j’ai des armes efficaces pour le contrôler et le repousser. Dans la voiture vers Miami, je contemple à nouveau le paysage. C’est bizarre, mais il y a deux mois je n’avais pas remarqué l’immensité et la lumière du ciel, ni combien de vie, de couleurs et de reflets renferment les marécages : oiseaux, insectes, poissons, alligators ! Je regarde l’horizon.

Quatre ans après mon séjour thérapeutique américain, mes TOCS restent sous contrôle. Je me regarde dans les couloirs de l’Université ou assis au volant de ma voiture (j’ai passé mon permis de  conduire !) et je me demande où je serais aujourd’hui sans l’aide de ce programme. Mais ce n’est qu’un instant : honnêtement, je préfère ne pas le savoir.

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